La sécurité en entreprise constitue un enjeu majeur pour toute organisation, qu’elle soit de petite taille ou qu’elle emploie des milliers de salariés. Le cadre réglementaire français impose aux employeurs des obligations strictes en matière de protection de la santé et de la sécurité au travail, sous peine de sanctions civiles, pénales et administratives particulièrement lourdes. Ces obligations, codifiées principalement dans le Code du travail, visent à prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles qui touchent encore aujourd’hui plus de 650 000 salariés français chaque année selon les dernières statistiques de l’Assurance maladie.
Le respect de ces dispositions légales ne relève pas uniquement d’une démarche de conformité administrative, mais constitue un véritable investissement dans la pérennité de l’entreprise. Les coûts directs et indirects liés aux accidents du travail peuvent représenter jusqu’à 4,5% du PIB selon l’Organisation internationale du travail, sans compter les conséquences sur l’image de marque et la productivité. Face à cette réalité, vous devez maîtriser parfaitement vos obligations pour mettre en place une politique de prévention efficace et éviter les sanctions qui peuvent compromettre l’avenir de votre entreprise.
Code du travail français : obligations patronales en matière de sécurité selon les articles L4121-1 à L4121-5
Le Code du travail français établit un cadre juridique particulièrement rigoureux concernant les obligations de l’employeur en matière de santé et sécurité au travail. L’article L4121-1 pose le principe fondamental selon lequel l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs . Cette obligation de sécurité revêt un caractère absolu et s’applique à tous les employeurs, quel que soit leur secteur d’activité ou leur taille.
Les mesures imposées par la loi comprennent trois volets essentiels : les actions de prévention des risques professionnels, les actions d’information et de formation, ainsi que la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. Vous devez également veiller à l’adaptation permanente de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre vers l’amélioration continue des situations existantes. Cette approche dynamique implique une réévaluation régulière des risques et une mise à jour constante des procédures de sécurité.
L’article L4121-2 du Code du travail énumère neuf principes généraux de prévention qui constituent le socle de toute politique de sécurité efficace. Ces principes incluent notamment l’obligation d’éviter les risques, d’évaluer ceux qui ne peuvent être évités, de combattre les risques à la source et d’adapter le travail à l’homme. La hiérarchisation de ces principes n’est pas anodine : elle privilégie systématiquement les mesures de protection collective sur les équipements de protection individuelle, approche reconnue comme plus efficace par l’ensemble des organismes de prévention.
Évaluation des risques professionnels et document unique d’évaluation (DUER)
L’évaluation des risques professionnels constitue l’une des obligations les plus structurantes imposées aux employeurs. Cette démarche, formalisée dans le document unique d’évaluation des risques (DUER), doit identifier, analyser et hiérarchiser tous les risques auxquels peuvent être exposés les travailleurs dans l’exercice de leurs fonctions. Le DUER ne constitue pas un simple exercice administratif, mais représente un véritable outil de management de la sécurité.
Vous devez procéder à cette évaluation en tenant compte de la nature des activités de l’établissement, du choix des procédés de fabrication, des équipements de travail utilisés et des substances chimiques manipulées. L’inventaire doit être exhaustif et porter sur chaque unité de travail de l’entreprise, incluant les postes temporaires et les situations exceptionnelles. La réglementation impose également de consigner en annexe du document unique les données relatives aux facteurs de pénibilité susceptibles d’ouvrir droit à des mesures de compensation.
La mise à jour du DUER revêt un caractère obligatoire au moins une fois par an dans les entreprises de plus de 11 salariés, ou lors de toute modification significative des conditions de travail. Cette périodicité peut sembler contraignante, mais elle garantit l’adaptation permanente de votre politique de prévention aux évolutions de votre activité. L’absence de document unique ou sa non-mise à jour expose l’employeur à une amende de 1 500 euros, portée à 3 000 euros en cas de récidive.
Mise en place des équipements de protection individuelle conformes aux normes CE
Les équipements de protection individuelle (EPI) constituent un maillon essentiel de la chaîne de prévention, intervenant en complément des mesures de protection collective. Vous devez fournir gratuitement à vos salariés tous les équipements nécessaires à leur protection, en veillant à ce qu’ils soient conformes aux exigences essentielles de santé et de sécurité définies par les directives européennes. Le marquage CE atteste de cette conformité et constitue un prérequis incontournable à la mise sur le marché.
Le choix des EPI doit résulter d’une analyse rigoureuse des risques identifiés sur chaque poste de travail. Casques de protection, gants résistants aux produits chimiques, chaussures de sécurité, harnais antichute : chaque équipement doit être adapté à la nature spécifique des risques encourus. La réglementation impose également de tenir compte des contraintes ergonomiques et des conditions climatiques pour garantir l’acceptation et le port effectif des équipements par les salariés.
Au-delà de la fourniture, vous devez assurer la formation des utilisateurs, l’entretien et le remplacement régulier des équipements. Les EPI défaillants ou inadaptés peuvent créer un faux sentiment de sécurité particulièrement dangereux. L’article R4323-95 du Code du travail prévoit que tout équipement de protection individuelle doit faire l’objet d’une vérification avant sa première utilisation, puis de vérifications périodiques selon les modalités définies par l’employeur.
Formation obligatoire des salariés aux consignes de sécurité et premiers secours
La formation constitue un pilier fondamental de la prévention des risques professionnels. Vous devez dispenser à chaque travailleur une formation pratique et appropriée en matière de sécurité, adaptée aux risques spécifiques de son poste de travail. Cette obligation s’applique dès l’embauche, lors des changements de poste, et doit être renouvelée chaque fois que nécessaire, notamment après un accident ou un incident significatif.
La formation doit porter sur les précautions à prendre pour assurer sa propre sécurité et celle des autres personnes concernées, les instructions à suivre selon le poste de travail ou la fonction occupée, ainsi que la conduite à tenir en cas d’accident ou de sinistre. Pour les postes présentant des risques particuliers, des formations spécialisées peuvent être exigées, comme l’autorisation de conduite pour les équipements de travail mobiles automoteurs et les équipements de levage.
L’organisation des secours constitue également une obligation légale incontournable. Vous devez mettre en place un dispositif d’alerte en cas d’accident, assurer la présence de secouristes formés, et disposer du matériel de premiers secours adapté aux risques identifiés. Les formations de sauveteur secouriste du travail (SST) permettent de constituer un maillage efficace de personnels formés aux gestes de premier secours, avec pour objectif un secouriste pour dix salariés dans les ateliers présentant des risques particuliers.
Surveillance médicale renforcée pour les postes à risques spécifiques
La surveillance médicale des salariés exposés à des risques professionnels spécifiques fait l’objet d’une réglementation particulièrement stricte. Vous devez identifier les postes nécessitant une surveillance médicale renforcée et organiser le suivi médical approprié en liaison avec les services de prévention et de santé au travail (SPST). Cette surveillance vise à détecter précocement les effets sur la santé liés à l’exposition professionnelle et à adapter les conditions de travail si nécessaire.
Les postes concernés par cette surveillance renforcée incluent notamment l’exposition aux agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR), aux agents biologiques pathogènes, aux rayonnements ionisants, ou encore aux contraintes physiques importantes. Pour chaque catégorie de risque, des protocoles spécifiques définissent la périodicité des examens, les examens complémentaires nécessaires et les critères d’aptitude au poste.
La traçabilité des expositions revêt une importance capitale pour assurer un suivi médical adapté tout au long de la carrière professionnelle, voire au-delà. Vous devez tenir à jour un dossier médical en santé au travail pour chaque salarié, conservé pendant au moins cinquante ans après la cessation de l’exposition pour les agents cancérogènes. Cette traçabilité permet également de constituer une base documentaire solide en cas de reconnaissance ultérieure de maladie professionnelle.
Réglementation ICPE et installations classées : conformité aux arrêtés préfectoraux de sécurité
Les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) sont soumises à un régime juridique spécifique qui renforce considérablement les obligations de sécurité des exploitants. Cette réglementation, codifiée dans le Code de l’environnement, s’applique aux installations qui, par leur nature ou leurs activités, peuvent présenter des dangers ou inconvénients pour la commodité du voisinage, la santé, la sécurité, la salubrité publiques ou l’environnement. Plus de 500 000 installations sont aujourd’hui recensées en France sous ce régime.
Le classement ICPE s’effectue selon trois régimes distincts : la déclaration pour les activités les moins dangereuses, l’enregistrement pour les activités à risque modéré, et l’autorisation pour les installations présentant les risques les plus importants. Chaque régime impose des obligations spécifiques en matière d’études d’impact, de moyens de prévention et d’intervention, ainsi que de contrôles périodiques. Les installations soumises à autorisation doivent notamment réaliser une étude de dangers détaillée et mettre en place un système de gestion de la sécurité.
Les arrêtés préfectoraux d’autorisation constituent le cadre réglementaire spécifique à chaque installation. Ces documents prescrivent les mesures techniques et organisationnelles que vous devez mettre en œuvre pour maîtriser les risques identifiés. Ils peuvent imposer des distances d’isolement, des systèmes de détection et d’extinction automatiques, des procédures d’exploitation particulières, ou encore des plans de maintenance préventive. Le non-respect de ces prescriptions expose l’exploitant à des sanctions pénales pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.
L’évolution constante de la réglementation ICPE nécessite une veille réglementaire permanente. Les arrêtés ministériels sectoriels fixent les prescriptions générales applicables à chaque catégorie d’installations et font l’objet de mises à jour régulières pour intégrer les retours d’expérience et les évolutions technologiques. La directive Seveso III, transposée en droit français, impose aux installations à hauts risques des obligations particulièrement strictes en matière de politique de prévention des accidents majeurs et d’information du public.
Sanctions pénales et administratives : jurisprudence récente en droit pénal du travail
Le droit pénal du travail a connu une évolution significative au cours des dernières décennies, marquée par un durcissement des sanctions à l’encontre des employeurs défaillants en matière de sécurité. Les tribunaux correctionnels et les cours d’appel développent une jurisprudence de plus en plus exigeante, considérant que l’obligation de sécurité de l’employeur revêt un caractère de résultat et non simplement de moyens. Cette approche judiciaire place la barre très haut pour les entreprises et leurs dirigeants.
Les infractions en matière de santé et sécurité au travail peuvent être poursuivies sur le fondement du Code du travail, mais également du Code pénal pour les délits d’homicide ou de blessures involontaires. L’article 121-3 du Code pénal, modifié en 2000, établit une gradation dans la responsabilité pénale selon que l’auteur a directement causé le dommage par imprudence ou négligence, ou qu’il a créé ou contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage par le manquement à une obligation de prudence ou de sécurité.
La jurisprudence récente témoigne d’une approche de plus en plus sévère des juridictions pénales. L’arrêt de la Cour de cassation du 25 novembre 2020 confirme que le manquement à une obligation de sécurité suffit à caractériser la faute pénale, même en l’absence de lien direct entre ce manquement et l’accident survenu. Cette évolution jurisprudentielle place les employeurs dans une situation de responsabilité quasi-objective, où seule la mise en œuvre effective et complète de tous les moyens de prévention peut constituer une défense crédible.
Délits d’homicide et blessures involontaires : affaire AZF toulouse et responsabilité pénale des dirigeants
L’explosion de l’usine AZF à Toulouse en 2001 constitue un tournant majeur dans l’appréhension de la responsabilité pénale des dirigeants d’entreprise. Cette catastrophe industrielle, qui a causé la mort de 31 personnes et fait plus de 2 500 blessés, a donné lieu à une procédure judiciaire complexe illustrant les difficultés de mise en œuvre de la responsabilité pénale en matière d’accidents industriels majeurs. Bien que les dirigeants aient finalement été relaxés en appel, cette affaire a profondément marqué la conscience collective et renforcé la vigilance des entreprises.
Les enseignements de l’affaire AZF dépassent le seul cadre de l’industrie chimique. Ils soulignent l’importance cruciale de la traçabilité des décisions, de la formalisation des procédures de sécurité et de la démonstration d’une approche proactive en matière de prévention des risques. Les dirigeants doivent pouvoir justifier de l’allocation de moyens suffis
ants à la mise en œuvre de toutes les mesures de prévention nécessaires, de la qualité de l’encadrement technique et de la pertinence des formations dispensées aux salariés.
Les délits d’homicide et blessures involontaires constituent aujourd’hui l’un des principaux risques pénaux pour les dirigeants d’entreprise. L’article 221-6 du Code pénal punit l’homicide involontaire de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, peines portées à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende en cas de manquement délibéré à une obligation de sécurité. La jurisprudence récente montre que les tribunaux n’hésitent plus à prononcer des peines d’emprisonnement ferme, particulièrement lorsque les manquements aux règles de sécurité sont flagrants ou répétés.
La responsabilité pénale peut également être engagée sur le fondement de la mise en danger d’autrui, délit créé en 1994 et codifié à l’article 223-1 du Code pénal. Cette infraction permet de sanctionner l’exposition d’autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures, même en l’absence d’accident. Cette approche préventive du droit pénal constitue un outil particulièrement efficace pour les inspecteurs du travail et les procureurs, qui peuvent ainsi intervenir avant la survenance d’un dommage corporel.
Amendes administratives de l’inspection du travail : barème 2024 et procédure contradictoire
Depuis la loi Travail de 2016, l’inspection du travail dispose d’un pouvoir de sanction administrative directe pour certains manquements aux obligations de santé et sécurité au travail. Cette procédure, plus rapide que les poursuites pénales traditionnelles, permet une répression immédiate et dissuasive des infractions constatées. Le barème des amendes administratives, régulièrement actualisé, reflète la volonté du législateur de renforcer l’effectivité des contrôles.
Les amendes administratives peuvent atteindre jusqu’à 40 000 euros pour les entreprises de plus de 20 salariés en cas de manquement grave et répété. Pour 2024, les principaux montants s’établissent comme suit : 2 000 euros pour l’absence de document unique d’évaluation des risques, 3 000 euros pour le défaut de formation à la sécurité, 5 000 euros pour l’absence d’équipements de protection individuelle, et jusqu’à 10 000 euros pour les manquements relatifs aux installations dangereuses. Ces montants sont doublés en cas de récidive constatée dans un délai de trois ans.
La procédure contradictoire garantit le respect des droits de la défense. L’employeur dispose d’un délai de trente jours pour présenter ses observations écrites après notification du procès-verbal de constatation. L’inspecteur du travail doit motiver sa décision en tenant compte de la gravité des faits, de la taille de l’entreprise, et des efforts déployés pour remédier aux manquements constatés. Cette approche individualisée permet d’adapter la sanction à la situation particulière de chaque entreprise, tout en maintenant un effet dissuasif significatif.
Mise en demeure et fermeture administrative temporaire d’établissement
La mise en demeure constitue l’outil privilégié de l’inspection du travail pour obtenir la cessation des infractions constatées. Cette procédure administrative permet d’imposer à l’employeur la réalisation de mesures correctives dans un délai déterminé, généralement compris entre quinze jours et trois mois selon la complexité des travaux nécessaires. Le non-respect d’une mise en demeure expose l’employeur à des sanctions pénales aggravées et à la possibilité d’une fermeture administrative de l’établissement.
La fermeture administrative temporaire constitue la sanction la plus lourde à la disposition de l’inspection du travail. Elle peut être prononcée en cas de danger grave et imminent pour l’intégrité physique des travailleurs, ou en cas de non-respect d’une mise en demeure dans les délais impartis. Cette mesure, particulièrement redoutable pour les entreprises, peut être maintenue jusqu’à ce que les mesures de sécurité nécessaires soient effectivement mises en œuvre. Les pertes d’exploitation qui en résultent peuvent rapidement atteindre des montants considérables.
La jurisprudence administrative encadre strictement les conditions de mise en œuvre de ces procédures. Le Conseil d’État veille à ce que les mesures prises soient proportionnées à la gravité des risques identifiés et que l’employeur dispose de moyens raisonnables pour s’y conformer. Néanmoins, les tribunaux administratifs font preuve d’une grande déférence à l’égard de l’appréciation technique des inspecteurs du travail, particulièrement lorsque des risques graves pour la sécurité des travailleurs sont en jeu.
Responsabilité civile professionnelle et indemnisation des victimes d’accidents du travail
La responsabilité civile de l’employeur en matière d’accidents du travail a connu une évolution majeure avec la reconnaissance jurisprudentielle de la faute inexcusable. Depuis l’arrêt fondateur de la Cour de cassation du 28 février 2002, cette faute est caractérisée lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Cette approche objective place la barre très haut pour les employeurs et facilite considérablement l’indemnisation des victimes.
Les conséquences financières de la reconnaissance d’une faute inexcusable peuvent être particulièrement lourdes. Outre la majoration de rente versée par la sécurité sociale, la victime peut obtenir la réparation intégrale de ses préjudices : souffrances physiques et morales, préjudice esthétique, d’agrément, ou encore perte de promotion professionnelle. Ces indemnisations complémentaires, qui échappent au monopole de la sécurité sociale, peuvent atteindre plusieurs centaines de milliers d’euros dans les cas les plus graves.
L’assurance responsabilité civile professionnelle constitue dès lors un élément essentiel de la protection financière de l’entreprise. Cependant, tous les contrats ne couvrent pas automatiquement les conséquences de la faute inexcusable, et il convient de vérifier attentivement les clauses d’exclusion. Certains assureurs proposent désormais des garanties spécifiques pour ce risque, moyennant le respect de certaines conditions en matière de prévention et de formation. Cette évolution du marché de l’assurance témoigne de l’importance croissante accordée à la maîtrise des risques professionnels.
Comité social et économique (CSE) : prérogatives en matière d’hygiène et sécurité
Le comité social et économique, instauré par les ordonnances Macron de 2017, a repris les prérogatives des anciens comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) tout en élargissant son champ de compétences. Cette instance représentative du personnel joue un rôle central dans la politique de prévention de l’entreprise, disposant de moyens d’investigation et de pouvoirs de contrôle particulièrement étendus. Vous devez donc intégrer pleinement le CSE dans votre démarche de prévention pour garantir l’efficacité de votre politique de sécurité.
Les attributions du CSE en matière d’hygiène et sécurité s’articulent autour de trois missions principales : l’analyse des risques professionnels, la vérification de l’application des mesures de prévention, et la proposition d’actions d’amélioration. Le comité doit être consulté sur tous les projets d’aménagement important modifiant les conditions d’hygiène et de sécurité, et peut procéder à des enquêtes en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle. Ces investigations peuvent révéler des dysfonctionnements organisationnels et conduire à des recommandations contraignantes pour l’employeur.
Dans les entreprises d’au moins 300 salariés, une commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) doit obligatoirement être constituée au sein du CSE. Cette commission spécialisée dispose de moyens renforcés : formation spécifique de 5 jours pour ses membres, recours possible à un expert agréé dans certaines circonstances, et droit d’alerte en cas de risque grave. Les représentants du personnel bénéficient également d’un crédit d’heures spécifique et d’une protection juridique renforcée contre le licenciement, garanties essentielles à l’exercice indépendant de leur mandat.
L’expertise du CSE peut être sollicitée dans plusieurs situations : introduction de nouvelles technologies, restructuration importante de l’entreprise, ou encore sur tout projet ayant des conséquences sur l’hygiène, la sécurité et les conditions de travail. Le coût de cette expertise, pris en charge par l’employeur, peut représenter un montant significatif mais constitue un investissement précieux pour identifier les risques émergents et adapter les mesures de prévention. La jurisprudence sociale reconnaît largement le droit du CSE à bénéficier de cette expertise, particulièrement lorsque les enjeux de sécurité sont importants.
Obligations sectorielles spécifiques : BTP, industrie chimique et manipulation de substances dangereuses
Certains secteurs d’activité font l’objet d’une réglementation particulièrement stricte en raison des risques spécifiques qu’ils présentent. Le bâtiment et les travaux publics, l’industrie chimique, et plus généralement toutes les activités impliquant la manipulation de substances dangereuses sont soumis à des obligations renforcées qui s’ajoutent aux dispositions générales du Code du travail. Ces réglementations sectorielles reflètent les enseignements tirés d’accidents majeurs et intègrent les meilleures pratiques internationales en matière de prévention.
Dans le secteur du BTP, les risques de chutes de hauteur constituent la première cause d’accidents mortels. La réglementation impose donc des mesures de protection particulièrement strictes : plan de prévention obligatoire pour tous les chantiers, coordination sécurité et protection de la santé (CSPS) pour les opérations de bâtiment ou de génie civil, et respect scrupuleux des règles de montage et d’utilisation des échafaudages. Le non-respect de ces obligations expose les entreprises à des sanctions pénales lourdes et à une responsabilité civile quasi-automatique en cas d’accident.
L’industrie chimique fait l’objet d’une surveillance renforcée en raison des risques d’accidents majeurs qu’elle peut présenter. Au-delà des obligations générales relatives aux installations classées, les établissements manipulant des substances dangereuses doivent respecter des prescriptions techniques particulièrement détaillées : systèmes de détection et d’extinction automatiques, procédures de consignation et déconsignation, formation spécialisée du personnel, et mise en place de systèmes de management de la sécurité. Ces exigences visent à prévenir les risques d’incendie, d’explosion, et de pollution accidentelle qui pourraient avoir des conséquences catastrophiques.
Réglementation REACH et classification CLP des produits chimiques en entreprise
Le règlement REACH (Registration, Evaluation, Authorisation and Restriction of Chemicals) constitue le pilier de la réglementation européenne sur les substances chimiques. Entré en vigueur en 2007, ce texte impose aux entreprises qui fabriquent ou importent des substances chimiques à plus d’une tonne par an de procéder à leur enregistrement auprès de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA). Cette obligation s’accompagne de la fourniture d’un dossier technique détaillé comprenant les propriétés physico-chimiques, toxicologiques et écotoxicologiques de la substance.
Pour les utilisateurs en aval, comme la plupart des entreprises industrielles, REACH impose de respecter les conditions d’utilisation décrites dans les fiches de données de sécurité et de signaler à leurs fournisseurs tout usage non couvert par l’enregistrement initial. Cette traçabilité permet d’assurer une meilleure maîtrise des risques tout au long de la chaîne d’approvisionnement. Les entreprises doivent également évaluer si leurs usages nécessitent une autorisation spécifique pour les substances extrêmement préoccupantes incluses dans la liste candidate.
Le règlement CLP (Classification, Labelling and Packaging) harmonise quant à lui la classification et l’étiquetage des substances et mélanges dangereux au niveau européen. Ce système, basé sur le Système général harmonisé (SGH) des Nations Unies, définit des critères précis pour l’identification des dangers et impose des règles strictes d’étiquetage et d’emballage. Les nouveaux pictogrammes de danger, largement diffusés depuis 2015, permettent une identification immédiate des risques principaux : toxicité aiguë, cancérogénicité, corrosion, inflammabilité, etc.
La mise en œuvre de ces réglementations nécessite une expertise technique pointue et une veille réglementaire permanente. Les entreprises doivent régulièrement mettre à jour leurs fiches de données de sécurité, adapter leurs procédures de stockage et de manipulation, et former leurs salariés aux nouveaux pictogrammes et mentions de danger. Les sanctions en cas de non-conformité peuvent être particulièrement lourdes : jusqu’à 1 500 000 euros d’amende pour les infractions les plus graves, selon l’article L521-18 du Code de l’environnement.
Directive machines 2006/42/CE et marquage CE obligatoire des équipements industriels
La directive machines 2006/42/CE établit les exigences essentielles de sécurité et de santé applicables à tous les équipements de travail mis sur le marché européen. Cette réglementation, transposée en droit français par les articles R4311-1 et suivants du Code du travail, impose aux fabricants de machines de procéder à une évaluation des risques et de mettre en place les mesures de protection nécessaires avant d’apposer le marquage CE. Pour les utilisateurs, elle garantit un niveau de sécurité harmonisé et facilite la mise en conformité des équipements de travail.
Les exigences essentielles de sécurité couvrent tous les aspects de la conception et de la fabrication des machines : stabilité mécanique, protection contre les risques électriques, limitation du bruit et des vibrations, ergonomie des postes de commande, dispositifs de protection contre les contacts accidentels avec les éléments mobiles. Le fabricant doit également fournir une notice d’